Fenêtre sur long cours

Un voyage arrêté

Les plus beaux sites du monde ne peuvent donner que ce qu'ils ont. Le Mont-Saint-Michel est l'un des lieux les plus visités au monde. Une fois monté tout en haut, le spectateur émerveillé a-t-il encore la force de regarder dans le détail ce qui l'entoure ? J'ai failli moi-même reposer mon regard rassasié une fois redescendu de l'abbaye. Heureusement, arrivé en bas sur les remparts, j'ai égaré ma pensée dans une fenêtre…

Un bateau à l'abri

Mont Saint Michel, France, 17 février 2006

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J'adore cadrer. C'est mon hobby de photographe. Cadrer, c'est découper un morceau de ce que je vois, l'extraire de son environnement, le soustraire à ce qui le définit dans une réalité vaste et trop étoffée. Lorsque mon regard a croisé cette fenêtre, j'ai eu l'instinct du chasseur (d'image) qui savait qu'il allait capturer 4 millions de pixels qui montreraient quelque chose. Le principal était d'enlever le lieu pour ne conserver qu'un sujet simplifié. À quoi aurait servi le Mont-Saint-Michel sur cette photo ?

Cette photographie est une prison. J'ai mis du temps à la regarder vraiment, à l'explorer, tellement mon œil était toujours retenu au centre sur les voiles du navire ou dans le noir profond d'une pièce sans profondeur. L'encadrement de la fenêtre est un sous cadre qui bloque l'exploration du reste. À ma grande honte, j'ai mis du temps à réaliser que les deux vanteaux extérieurs n'étaient pas des volets pleins.

Pourtant c'est bien là le charme de cette image : elle est ouverte sur l'immédiat et le lointain. Le fond uni des ardoises qui la soutient est omniprésent, dans ses lignes et dans son ton uniforme, même derrière les battants ouverts posés là pour dessiner des lignes tout en allégeant l'image de ses verres transparents. C'est le plan de la réalité, d'une maison, d'un toit, d'un lieu concret. Par la fenêtre une seule impression : celle du voyage, au gré des vents que cette goélette attend désespérément derrière ces vitres protectrices. Le noir engloutit nos pensées les plus vagabondes pour des croisières lointaines. On assiste sur un horizon tout proche à un départ immobile sans destination.

Pas de couleurs envahissantes dans cette image, tout repose sur des lignes parfaites, équilibrées et carrées, dans un ton général plutôt pastel. C'est le repos contemplatif de ce qui pourrait se passer si ce bateau quittait sa prison.

Depuis ce cliché réussi, je cherche évidemment à retrouver une semblable évocation en si peu de lignes. Je n'ai pas souvent réussi.

D'un autre côté, les fenêtres ont commencé à m'obséder un peu, et de temps en temps l'appareil capte un appel, un regard, une évocation, un reflet, au sens propre et au sens figuré, sur le monde que l'appareil ne peut capter dans sa globalité, en pointant l'objectif sur une fenêtre.

C'est ce voyage que je vous propose dans les quelques clichés qui suivent. Vous pouvez retrouvez d'autres clichés dans la rubrique des fenêtres de ce site de photos.